Carnaval interdit en 1790

Ordonnance de Police

MUNICIPALITÉ DE PARIS

De par M. Le Maire

MM. les lieutenants de maire et conseillers administrateurs.

Ordonnance de Police

Du dimanche 31 janvier 1790

Sur ce qui a été représenté à la Commune par un grand nombre de districts, et notamment par ceux de Saint-Roch, de Saint-Jean-en-Grève, des Recollets, de Sainte-Marguerite, des Enfants-Trouvés, de Popincourt, dans l’étendue desquelles les masques se portent ordinairement avec affluence, et par MM. de l’état-major, qu’il serait prudent d’interdire cette année toute espèce de déguisement et de mascarade; et sur le renvoi fait par la Commune au Département de la Police, ce Département a vu avec plaisir que cette précaution, dont la nécessité n’avait point échappé à sa surveillance, avait d’avance obtenu l’approbation d’une portion nombreuse des citoyens de la capitale ; il a pensé que ceux qui ne s’étaient pas expliqué à ce sujet, en partageant la même opinion, avaient cru pouvoir s’en reposer sur le zèle des administrateurs honorés de la confiance de la Commune.

En conséquence, vu les conclusions de M. le procureur-syndic, il a été arrêté et réglé ce qui suit :

o Article 1er.

Il est expressément défendu à tous particuliers de se déguiser, travestir ou masquer, de quelque nature que ce soit, à peine, contre ceux qui seraient rencontrés dans les rues, places ou jardins publics, d’être arrêtés, démasqués sur-le-champ et conduits au plus prochain district, o ù il sera dressé un procès-verbal, dont l’extrait sera envoyé au district du domicile, et de 100 liv. d’amende contre les citoyens domiciliés ou de prison pour ceux qui ne le seraient pas, avec confiscation de tous vêtement servant à déguisement.

o Article 2.

Il est pareillement défendu de donner aucun bal masqué, public ou particulier, à peine de prison contre ceux qui, tenant un bal public, y auraient reçu des personnes masquées, déguisées ou travesties, et de 10 liv. d’amende contre ceux qui, dans les bals particuliers, recevraient des masques, et de la même amende contre toutes personnes qui s’y trouveraient déguisées avec confiscation des habits servant au déguisement.

o Article 3.

Il est fait défense à tous marchands d’étaler, louer ou vendre aucuns masques ou habits de déguisement, à peine de 10 liv. d’amende pour chaque contravention et de saisie et confiscation de toutes les marchandises de ce genre; ainsi qu’ à tous musiciens, ménetriers ou joueurs d’instruments de prêter leur ministère, à peine de prison, s’ils ne sont pas domiciliés, et de 53 liv. d’amende s’ils le sont.

Le Département invite les comités de district et MM. de l’état-major de tenir la main à l’exécution de la présente ordonnance, laquelle sera imprimée, publiée et affichée partout o ù besoin sera et envoyée à tous les districts. Signé :

BAILLY, Maire;

DU PORT DU TERTRE,

Lieutenant de maire ;

FALLET, MANUEL, DUCLOSEY

PEUCHET et THORILLON,

Administrateurs ;

BOULEMER DE LA MARTINIÈRE,

procureur-syndic de la Commune.
Commentaires

Ce texte d’une grande importance historique pour le Carnaval de Paris, repris d’une affiche conservée à la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, est cité intégralement par Sigismond LACROIX dans : « ACTES DE LA COMMUNE DE PARIS » 2. Série 2 Pages 327-328 (Usuels B. H. V. P.). Sigismond LACROIX indique dans une note que les trois derniers districts cités ici comme réclamant l’interdiction, forment le Faubourg-Saint-Antoine. Le Faubourg-Saint-Antoine était le lieu de prédilection pour la promenade des masques du Carnaval de Paris, aux XVIIème-XVIIIème siècles.